Je partage l’analyse du GEMPPI sur le développement des mouvements évangéliques, qui « sont des fondamentalistes protestants, c’est à dire ayant une interprétation littérale de la Bible, qui s’accompagne le plus souvent d’un rigorisme moral inspiré de la réforme calviniste. De manière générale, les évangéliques font un prosélytisme plus ou moins intensif selon les groupes. Ce sont des églises de militants. Certains d’entre eux (minoritaires) se sont trouvés dans la liste des sectes du rapport parlementaire de 1995 “Les sectes en France”.
Les critiques qui leur sont adressées le plus souvent lorsqu’il s’agit de mouvements plus extrémistes que la moyenne, sont :
-l’appel à verser la dîme des revenus des fidèles, voire plus et l’évangile de la prospérité,
-une vision radicalement binaire du monde (bien/mal ; Dieu/Satan) entrainant un repli sur soi, un élitisme et une attitude sectaire envers les autres composantes religieuses, une paranoïa de l’omniprésence des démons dans les cas les plus extrêmes.
-pour les groupes de type « pentecôtistes », l’annonce véhémente d’une fin du monde imminente, des promesses de guérisons divines susceptibles de décupler les motivations et l’engagement des fidèles de manière artificielle.
-Par ailleurs, la spécialisation « pentecôtiste » au sein des évangéliques protestants implique que lors des réunions de culte ou de prière, les fidèles pratiquent la glossolalie, c’est à dire qu’ils parlent des langues qu’ils n’ont pas apprises ou inconnues, voire « célestes », qui sont ensuite interprétées prophétiquement par d’autres fidèles. Les pratiquants recherchent des sensations cathartiques, interprétées comme des expériences divines. On y met aussi beaucoup l’accent sur la guérison divine par l’imposition des mains. Ces pratiques peuvent se prêter dans certains cas à la manipulation et l’emprise mentales des membres d’une église.
-des problèmes d’emprise sectaire peuvent survenir si la personnalité du dirigeant ou pasteur devient prééminente.
Ces églises sont très diverses et indépendantes les unes des autres, ce qui fait que leurs qualités et défauts sont très inégaux et que l’on ne peut incriminer toutes les églises pour les mauvaises pratiques d’une minorité de groupes. Il ne faut pas les confondre avec les témoins de Jéhovah qui ont fait l’unanimité contre eux dans tous les rapports parlementaires sur les sectes et dans les rapports de la Miviludes.
Dans son analyse sur les dérives sectaires, l’association GEMPPI pense, en fait, que nombre de mouvements, sans être en soi des sectes au sens moderne et populaire du terme, prédisposent ceux qui se soumettent à leur enseignement à se laisser happer par de véritables groupes dangereux et donc sectaires. »
“Un français sur cinq connaît dans son entourage une ou plusieurs personnes qui ont été victimes de dérives sectaires, un quart dit avoir été approché par une secte*. Instrumentalisation de la relation à Dieu, chantage affectif, recours systématique à la culpabilisation pour garder les fidèles dans la communauté. On retrouve de nombreuses victimes de manipulations mentales à l’intérieur de divers mouvements d’église. Reportage.”
source : Dérives sectaires : Comment sortir de l’emprise ?
« La manipulation mentale et les Églises Évangéliques
Je vous partage l’analyse d’un spécialiste de la question, Louis Schweitzer, qui avait donné les informations suivantes lors d’une conférence dans le cadre de l’Assemblée Générale de l’Alliance Évangélique de France, en mars 2001. Si certaines des questions qu’il traite sont datées, le problème abordé garde et gardera longtemps sans doute toute sa pertinence.
[…]Le délit de manipulation
Il faut d’abord constater que l’impression de beaucoup – à tort ou à raison – est que l’arsenal juridique ne permet pas aujourd’hui de lutter efficacement contre les sectes et certaines de leurs entreprises. Il est facile et fréquent de remarquer que des personnes fragiles, jeunes ou en crise, sont particulièrement visées et accessibles au discours des sectes. Qu’elles soient spécialement vulnérables, cela est naturel, mais on soupçonne certains d’employer des méthodes qui assureraient une main mise du groupement religieux sur ces personnes dont les moyens de défense sont temporairement affaiblis. Ces méthodes dérivent de celles employées pour la vente ou la publicité qui utilisent des moyens psychologiques pour accrocher et garder le client visé.
Les associations décrivent longuement les méthodes employées. Comment, selon elles, repérer la manipulation mentale ?
Voici certains signes qui permettent de la suspecter :
Une relation forte d’autorité
- Des règles strictes,
- une hiérarchie très affirmée,
- des doctrines déstabilisantes qui ne permettent aucune remise en question,
- un contrôle permanent et la peur d’être considéré comme désobéissant.
- Vue de l’extérieur, toute démarche spirituelle fondée sur une révélation peut apparaître comme exerçant une autorité sur la personne. L’autorité que nous reconnaissons à la Bible, dans notre contexte, peut paraître excessive, de même que certaines manières d’exercer le ministère pastoral.
- La sanctification, elle aussi peut être perçue comme un cheminement, un appel qui impose au chrétien une règle de vie pesante.
Un sentiment fort d’adhésion au groupe
- Une pression chaleureuse, chacun sait qu’une des particularités des Églises évangéliques est la chaleur de leur vie communautaire.
- Les relations fraternelles étroites, l’amitié des membres de l’Église ou des réunions de maison peut sembler suspecte
- un vécu commun riche et régulier accompagné d’une diabolisation de l’extérieur avec la perspective fréquente de dangers imminents. Bien souvent, c’est le vécu commun qui donne aux membres de l’Église un sentiment d’appartenance fort qui attire en effet des personnes, parfois en recherche de cocon protecteur.
- et toujours la culpabilisation qui accompagne toute perspective de sortie du groupe.
- Quant à l’aspect financier, le souhait de voir les membres de l’Église donner la dîme n’est pas exceptionnelle. Dans quelle mesure cela pourrait-il être interprété comme l’obligation abusive d’une dépendance financière ?
Des atteintes à la vie personnelle
- Une obligation de transparence,
- la demande d’une obéissance infantilisante, des entraves au développement d’une vie intime, souvent une dépendance financière du groupe.
- Les échanges fraternels entre membres d’un groupe de prière ou les entretiens avec un pasteur portent souvent sur des questions de vie personnelle.
- Entre la liberté d’un groupe de partage et la transparence imposée, la frontière peut être mince et relever surtout de la sagesse des responsables qui peuvent pécher par excès d’enthousiasme.
- Ne devons-nous pas également admettre que beaucoup de personnes qui se convertissent le font après être passées par des moments difficiles et donc s’être trouvées en situation de particulière fragilité ?
- La vraie question reste de savoir quelle a été l’attitude de la communauté face à cette situation et le résultat du cheminement. A-t-il débouché sur une restauration et une vraie liberté ou une dépendance nouvelle ?
- Quant à la dépendance au groupe ou au responsable, n’est-ce pas un moment presque inévitable par lequel passe toute personne en voie de reconstruction ? La question sera de savoir ce qu’il faut en faire, l’encourager pour maintenir un pouvoir ou aider à le dépasser.
Une coupure avec l’extérieur
- Le monde extérieur est accusé de tous les maux, les relations personnelles extérieures au groupe, familiales ou amicales, sont détruites ; la personne se retrouve de plus en plus isolée. Reconnaissons que cette description fait peur et que nous avons tous entendu parler de sectes ou de groupes qui mettaient ces méthodes en pratique avec beaucoup de science et de finesse. »[1]
Dans un de ses articles, le GEMPPI écrit : « L’intérêt pour les organisateurs et dirigeants de sectes est toujours de singulariser leurs adeptes de manière à les isoler et à les mettre en conflit avec leur milieu. Ainsi, les pauvres bougres n’ont plus que la secte vers qui se tourner pour être compris, félicités pour leur «courage », leur «bravoure » à accomplir d’importantes babioles qui selon la secte sont des décrets divins de la plus haute importance.
[..]Tous ceux qui sont en situation d’échec social, familial ou affectif trouveront dans ce genre de procédé un moyen facile de se voiler la face, et de croire à une réussite qui en fait est factice, car elle ne fonctionne que dans le cadre très restreint d’une secte. Beaucoup de frustrés se flattent secrètement de leurs actes glorieux de sainteté, et prennent croient-ils une revanche sur la vie, qui est souvent dure et cruelle. Quel honneur d’être cité parmi les « proclamateurs » les plus actifs, être le plus productif de la congrégation, être celui qui endure le mieux toutes les rebuffades de ce monde
«diabolique», qu’on se charge au préalable de provoquer par des comportements anormaux, ou idiots. («Mettant notre intelligence à l’index », disaient les témoins de Jéhovah pour les transfusions sanguines)
[..] Vous le comprendrez, on ne peut confondre ceux qui subissent l’intolérance, voir la persécution de ceux qui les provoquent volontairement. Si la bravoure à se faire remarquer consistait à exercer la charité et non à faire que de la propagande verbale ou comportementale, le message pourrait éventuellement être pris au sérieux.
[..] Jésus ne disait-il pas : « On reconnaît un arbre à son fruit » Matthieu 12.33
Ailleurs on peut lire aussi : « Or les œuvres de la chair sont manifestes, ce sont l’impudicité,… l’idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles… les disputes, les divisions, les sectes » Galates 5.20.
Lorsque des adeptes deviennent des sortes de hérissons à épines bibliques, et négligent leur famille, amis, travail, études pour soi-disant se consacrer à Dieu et au salut de leur prochain, il est difficile de conclure qu’ils dégagent « une bonne odeur de christ » II Corinthiens 2.15 »[2]
[1]https://www.croirepublications.com/cahiers-ecole-pastorale/vie-et-gestion-de-l-eglise/article/la-manipulation-mentale-et-les-eglises-evangeliques
[2] GEMPPI de son numéro 40 « LES PLUS BELLES ARNAQUES A LA BIBLE », du 1 janvier 1999.
L’ADEFI écrit dans un document « Évangéliques et dérives sectaires » : « Depuis quelques années, nos associations font face à une recrudescence d’interrogations ou de signalements sur des mouvements se revendiquant « évangéliques ». Des groupes pseudo-évangéliques ou des pasteurs autoproclamés surfent sur l’essor évangélique actuel pour mettre sous emprise leurs fidèles ouvrant la porte à des dérives d’ordre sectaire. Ils représentent un danger pour nos concitoyens et notre démocratie. En effet, certains éléments doctrinaux ou certaines pratiques représentent des failles dont profitent les « pasteurs » les moins scrupuleux. Après une brève présentation du mouvement, nous tenterons de pointer ces failles et, par des exemples factuels, de montrer les risques sectaires qu’elles peuvent engendrer. »
Je rappelle que ces prédateurs ne sont pas des représentants de Dieu, ils le font croire et que se sont des criminels, des escros !
« Les « charismatiques-pentecôtistes » constituent la majorité des protestants évangéliques. De façon expansive, ils promeuvent l’efficacité de l’action surnaturelle de Dieu à travers la prophétie, la glossolalie (capacité à parler des langues inconnues), la guérison et mettent « à l’honneur l’intervention du Saint Esprit dans la lutte contre la misère sociale et existentielle. »
[…] Certains pasteurs exercent sur les fidèles une emprise abusive qu’ils justifient par des points de doctrine :
- Promesses de guérison : Souvent charismatiques et autoritaires, les pasteurs des églises déviantes occupent une place centrale au sein de leur communauté. Leur force de conviction fait qu’ils sont parfois qualifiés de prophètes, parlent et dictent les conduites à tenir au nom de Dieu. Ils promettent des guérisons miraculeuses, en référence aux miracles de la Bible, le mot guérison ne concernant pas seulement la santé physique et psychologique, mais aussi le chômage, les ennuis financiers, les échecs professionnels, sentimentaux… Ces promesses ne peuvent cependant se réaliser qu’avec une contrepartie financière (achat de remèdes miracles, dons financiers…), et de ferventes prières.
- […] De l’engagement à la démonstration ostentatoire : L’engagement est un aspect essentiel des préceptes évangéliques. Montrer son attachement à Dieu en témoignant de la transformation de sa vie après sa conversion, constitue selon certains la preuve indiscutable que Dieu existe.
- La contribution financière : Dans l’ambiance émotionnelle intense créée par les discours enthousiastes du pasteur, les promesses de guérison, les visions d’un avenir où « seuls ceux qui ont accepté l’œuvre de la Croix seront sauvés », les fidèles se laissent convaincre de faire des dons importants. Verser la dîme ou faire des dons réguliers est une preuve de foi et d’engagement bien vue de Dieu et grâce à laquelle peuvent se réaliser les miracles promis par le pasteur.
- Prosélytisme : L’évangélisation est essentielle dans l’engagement. […] Dans certains groupes évangéliques pouvant être qualifiés de sectaires, les adeptes sont contraints de prêcher et d’évangéliser au sein de leur famille, au travail ou parfois dans des lieux publics. Des adeptes délaissent leur vie familiale, sociale et professionnelle pour un investissement complet au sein de la structure évangélique. Leur comportement change (langage, habitudes, …), les jeunes peuvent délaisser leurs études pour devenir missionnaire et s’investir pleinement dans le prosélytisme. Certains groupes embrigadent aussi les enfants avec un discours très critique sur la société et leur imposent de nouveaux repères (langage, habitudes, normes morales…) »
- « L’emprise : Mais tous ont en commun d’avoir vécu sous l’emprise sectaire de gourous qui les ont conduits à des ruptures aux conséquences préjudiciables, et parfois dramatiques (la mort pour certains…).
- L’emprise sectaire est plus qu’un embrigadement : l’embrigadement ne transforme pas la personnalité et cesse avec l’arrêt de la contrainte alors que l’emprise construit une adhésion durable, progressive et de plus en plus large. Elle s’établit peu à peu, sans menace, sans contrainte, sans violence, sans conflit apparent.
Dans la majorité des cas, il y a « une participation active de l’adepte dans l’entrée dans le groupe parce que le discours véhiculé par le groupe correspond à ses attentes, ses refus, ses révoltes ; parce que le groupe est chaleureux et valorisant ; parce que ce groupe et son discours lui offrent une possibilité d’initiative dans une société où l’individu est de plus en plus « sur rails ». » Cependant le nouveau venu qui répond positivement à des propositions qui le séduisent, n’a pas connaissance du processus de transformation qu’il va connaître, du résultat final de cette transformation, ni des véritables intentions du leader. La notion d’emprise inclut les « pressions physiques et psychologiques réitérées visant à mettre l’individu en état de sujétion », avec le paradoxe : « Vous êtes venus librement, vous devez donc vous soumettre entièrement ».
- Mécanismes de l’emprise sectaire : Pour obtenir un engagement durable, il faut « non seulement un acquiescement initial qui engagera peu, mais un enchaînement d’acquiescements successifs qui apparaîtront au sujet comme des choix ». Cette construction d’acquiescements, aujourd’hui grandement facilitée par le développement et la diffusion de psycho- techniques efficaces, permet de comprendre mieux la reconstruction progressive de l’individu dans sa personnalité d’adepte, et donc la longue durée de l’appartenance sectaire.
Ainsi les récits des proches comme ceux des anciens adeptes témoignent- ils d’un processus comportant plusieurs phases, conduisant de la rencontre à l’appartenance inconditionnelle, transformant une personne autonome en un adepte dépendant :
- séduction et valorisation,
- déstabilisation,
- reconstruction,
- renforcement de l’appartenance.
- Une triple rupture : A la différence de phénomènes connus comme l’emprise amoureuse, l’emprise de la mode ou de la publicité, l’emprise sectaire conduit à des ruptures, entre la personne et :
- sa propre histoire, ses valeurs, ce qui fondait son identité ;
- son entourage familial, social, professionnel ;
- la société, ses principes démocratiques, ses lois.
L’entourage, d’abord alerté par des modifications dans le discours, le mode de vie, les centres d’intérêt, s’inquiète réellement lorsqu’il constate que l’adepte semble ne plus pouvoir penser de façon personnelle, être devenu indifférent (voire hostile) à ce qui n’entre pas dans sa nouvelle vision du monde. L’inquiétude est justifiée… car n’ayant plus d’autres références que celles de ses « maîtres à penser », ayant perdu tout esprit critique, empêchée d’envisager les dommages possibles de certains choix, la personne risque de prendre des décisions comportant de graves conséquences.
- Une nécessaire vigilance : Plusieurs affaires judiciaires ont, ces dernières années, mis en évidence les conséquences dramatiques de situations d’emprise sectaire : l’affaire de Monflanquin, le Parc d’Accueil de Lisieux, les procès du « gourou » d’Ugine et du fon- dateur de la biologie totale. Les gourous ont été condamnés sur la base de l’article 223-15-2 du code pénal, relatif à l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, prenant en compte la dimension spécifique de l’emprise sectaire (loi About-Picard du 12 juin 2001).
Cependant la grande majorité des victimes du phénomène sectaire, adeptes ou proches d’adeptes, ne porte pas plainte ou voit leur plainte déboutée par manque de preuves ou délai de prescription dépassé. Gourous ou charlatans ne sont pas inquiétés et continuent de profiter de personnes qu’ils manipulent…
Informé du phénomène et conscient des dommages possibles, l’entourage d’un adepte peut être alerté très vite par certains indices, s’informer de l’éventuelle dangerosité, rechercher de l’aide et parvenir à éviter des ruptures grave- ment dommageables. »[1]
Ne confondons pas courant évangélique protestant qui est officiel et fort de plusieurs fédérations, et d’au moins 600.000 pratiquants qui sont encadrés pour une très grande majorité par des pasteurs et prédicateurs sérieux, honnêtes ; et ses églisettes, pratiquant l’évangile du miracle, manipulant et escroquant les foules. Eux sont en croissance continue et les implantations de ces églisettes sont constantes, au moins une ouverture tous les 2-3 jours dans notre pays, tant dans un appartement, une maison, un local commercial pour former une « église » et dans des conditions difficiles, ne respectant pas la réglementation sur les lieux publics.
[1] UNADEFI « L’emprise mentale, un phénomène progressif, extensif et durable »